La numérisation du paiement des salaires dans les ateliers de confection au Cambodge présente un grand potentiel

15 décembre 2021

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Le monde est en train de passer aux paiements numériques. Ils sont plus rapides, plus sûrs, plus transparents et plus efficaces que l'argent liquide. Les paiements numériques peuvent soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) et renforcer l'autonomie des femmes et des jeunes. La pandémie de COVID-19 a accéléré le passage au paiement numérique et a démontré des avantages évidents au-delà des coûts et de l'efficacité : en minimisant les interactions humaines lors des échanges d'argent, en réduisant les déplacements et l'affluence dans les établissements commerciaux, et en gérant les risques pour la santé.

Les arguments en faveur du paiementnumérique des salaires sur le lieu de travail sont solides. Par exemple, le secteur du prêt-à-porter au Bangladesh a augmenté son adoption de la numérisation des salaires au cours de la dernière décennie et les avantages commerciaux des paiements numériques ont été clairement démontrés, y compris la réduction des coûts et des risques de sécurité liés à la distribution d'argent liquide le jour de la paie. L'adoption du paiement numérique des salaires a également élargi l'accès aux services financiers formels pour les travailleurs, en particulier les femmes, et a augmenté l'utilisation des comptes pour l'épargne et l'envoi de fonds, en particulier lorsqu'ils sont associés à une formation sur les capacités financières et à un soutien continu.

Au Cambodge, où seuls 18 % des adultes ont un compte bancaire et où 85 % des travailleurs de l'habillement sont des femmes, la plupart des salaires du secteur de l'habillement continuent d'être payés en espèces. Pour mieux comprendre les possibilités de numérisation des salaires au Cambodge, la SFI s'est associée au projet HER de BSR, dans le cadre du partenariat IFC/OIT Better Work, et en collaboration avec Microfinance Opportunities. À partir de novembre 2020, nous avons étudié les opportunités et les défis liés à la numérisation des salaires dans les usines de confection au Cambodge, par le biais d'entretiens et d'enquêtes auprès de plus de 400 travailleurs et dirigeants de plus de 100 usines. La moitié des usines que nous avons sélectionnées pour les entretiens paient les travailleurs par voie numérique et l'autre moitié les paie en espèces.

Les conclusions sont claires. Les salaires numériques peuvent apporter des gains d'efficacité dans la chaîne d'approvisionnement de l'habillement qui profitent à la fois aux employeurs et aux travailleurs : (i) les paiements numériques peuvent réduire les coûts pour les propriétaires d'usine ; (ii) les travailleurs, en particulier les femmes, bénéficient d'une utilisation accrue des services financiers numériques ; et (iii) le Cambodge dispose d'une infrastructure technologique solide qui permet aux prestataires de services financiers d'offrir des salaires numériques.

Plus précisément, l'étude a révélé que

i. Les paiements numériques peuvent réduire les coûts pour les propriétaires d'usines

Le paiement des salaires en espèces prend du temps et est plus coûteux : le personnel chargé de la paie et les travailleurs doivent quitter l'atelier de production pour percevoir leur salaire (qui, au Cambodge, est versé deux fois par mois). Même en tenant compte des coûts de numérisation - comme les frais d'installation et les frais de transaction - nous estimons que le paiement numérique des salaires peut permettre aux grandes usines d'économiser au moins 1 700 dollars par mois (voir tableau).

réduction des coûts pour les propriétaires d'usines

Les représentants des usines numériques se sont déclarés globalement satisfaits de la facilité de gestion des salaires numériques. Malgré une certaine frustration liée à des problèmes techniques pouvant survenir une fois par an au maximum, la plupart des directeurs d'usine estiment que le passage du paiement des salaires en espèces au paiement numérique est pratique à la fois pour l'usine et pour les travailleurs.

ii. Les travailleurs peuvent bénéficier d'une utilisation accrue des services financiers numériques

Les travailleurs qui ont commencé à utiliser les transferts numériques pour les paiements de personne à personne, tels que les envois de fonds vers les zones rurales, économisent de l'argent par rapport aux paiements en espèces. Ces transferts peuvent avoir des avantages significatifs en termes de développement pour les bénéficiaires, en particulier les femmes des zones rurales qui doivent souvent faire face au coût et au temps de déplacement pour rapporter de l'argent à la maison en personne. Les travailleurs qui reçoivent des salaires numériques devraient idéalement commencer à utiliser leurs comptes financiers pour d'autres transactions numériques telles que le loyer et les services publics. En outre, si les comptes sont conçus pour faciliter les retraits pratiques et abordables, les travailleurs qui ont un compte bancaire sont susceptibles d'y épargner leur argent, ce qui pourrait les aider à accumuler de l'épargne à long terme grâce à un effet de défaut.

iii. Le Cambodge dispose d'une infrastructure technologique solide permettant aux prestataires de services financiers d'offrir des salaires numériques.

L'accès à la technologie est le fondement du développement numérique et des services financiers numériques. L'infrastructure financière du secteur de l'habillement au Cambodge est mûre pour la numérisation. Presque tous les travailleurs que nous avons interrogés possèdent un smartphone et les distributeurs automatiques de billets et les agents mobiles sont pour la plupart accessibles - bien que certaines usines soient encore à quelques kilomètres du distributeur automatique de billets le plus proche.

Dans les usines que nous avons étudiées, les paiements numériques des salaires sont gérés à la fois par des banques et des fournisseurs Fintech (mobiles). Tous les produits de paie sont interopérables, de sorte que les utilisateurs peuvent librement envoyer de l'argent à leurs amis et à leur famille sur différentes plateformes. Cependant, les différents prestataires offrent aux travailleurs une large gamme de services de paiement numérique, ainsi que des modèles commerciaux et des incitations différents. Par exemple, les produits bancaires offrent généralement des retraits gratuits aux guichets automatiques. En revanche, les produits mobiles offrent généralement aux travailleurs un retrait gratuit par période de paie, ce qui les incite à encaisser la totalité de leur salaire le jour de la paie.

Pour accélérer le paiement numérique des salaires au Cambodge, les parties prenantes devraient concentrer leurs efforts sur quatre domaines

Bien que le Cambodge soit bien placé pour développer le paiement numérique des salaires dans l'industrie de l'habillement, des défis subsistent. Il s'agit notamment du coût perçu de la numérisation des salaires par les employeurs, de l'expérience limitée des travailleurs en matière de produits et de services financiers, en particulier des femmes, et de la prédominance de l'écosystème de l'argent liquide. Pour surmonter ces obstacles, les parties prenantes devraient concentrer leurs efforts sur quatre domaines :

1. Garantir des paiements de salaires numériques responsables. En septembre 2021, les Nations unies ont publié les "Principes des Nations unies pour des paiements numériques responsables", qui énoncent neuf principes définissant qui doit être responsable, ce que signifie être responsable et comment être responsable.

Conformément aux nouveaux principes des Nations unies, les travailleurs devraient avoir accès à des outils de paie appropriés, à la transparence des produits et des frais, ainsi qu'à un système de recours équitable pour traiter les plaintes relatives aux paiements numériques. Les usines et les PSF doivent également veiller à la protection de l'identité des travailleurs, de leurs données salariales et financières. Les informations relatives aux paiements sont de plus en plus utilisées à des fins de marketing et d'évaluation du crédit, et si ces données peuvent permettre aux travailleurs d'accéder au crédit formel et à d'autres services financiers, elles soulèvent également des problèmes de cybersécurité.

2. Aider les travailleurs à tirer pleinement parti de la numérisation des salaires : Le défi le plus immédiat sera de former les travailleurs et de les aider à acquérir des connaissances et de la confiance dans les transactions financières numériques. L'expérience du Bangladesh a démontré que la numérisation des salaires ne suffit pas à elle seule pour que les travailleurs bénéficient de la paie numérique. Les femmes ont des besoins spécifiques qui doivent être pris en compte lors de la conception des interventions. Par exemple, s'assurer que les femmes reçoivent leur salaire sur leur propre compte, leur donner du temps le jour de la paie pour se rendre aux points de retrait et organiser des visites de groupe aux points de retrait les aiderait à se sentir en sécurité.

HERproject a déjà développé un large éventail de matériel libre, y compris des affiches, des vidéos et des outils technologiques en khmer, pour aider les gestionnaires et les travailleurs du secteur de l'habillement, y compris les besoins spécifiques des femmes, à passer aux salaires numériques. Les travailleurs ont besoin de plus de formation et de soutien pour les aider à ouvrir et à utiliser des comptes financiers, et pour les former à l'épargne, à l'établissement d'un budget et aux dépenses salariales.

3. Encourager et permettre la numérisation des paiements des commerçants afin de soutenir la viabilité commerciale des comptes de salaires : Le modèle commercial actuel des PSF consiste à gagner de l'argent grâce aux frais facturés pour les transactions d'encaissement. Mais ce modèle doit évoluer pour encourager les transactions financières à rester numériques et pour permettre aux travailleurs d'effectuer de nombreuses transactions au cours du mois, y compris des achats. Par exemple, les PSF pourraient gagner de l'argent grâce aux frais payés par les commerçants et les partenaires bancaires pour le service sans transférer les coûts aux travailleurs à faibles revenus. Notre étude montre que la plupart des entreprises qui servent les travailleurs de l'habillement reçoivent actuellement les paiements de leurs clients en espèces parce que les commerçants doivent encore payer leurs fournisseurs en espèces. Une acceptation plus large des paiements numériques nécessitera une approche de la chaîne d'approvisionnement.

4. Favoriser la concurrence entre les PSF : Au Cambodge, les usines ne permettent pas aux travailleurs de choisir leur fournisseur de compte de paie - ils reçoivent leur salaire sur un compte choisi par l'usine. À long terme, la concurrence pour les travailleurs en tant que clients encouragera les PSF à concevoir de meilleurs produits et à maintenir des prix plus bas. Par conséquent, les usines devraient s'efforcer d'aller au-delà des contrats directs avec les PSF et de travailler avec un service de paie numérique qui peut déposer les salaires des travailleurs sur n'importe quel compte bancaire ou Fintech.

Des efforts visant à promouvoir le passage du paiement en espèces au paiement numérique responsable des salaires dans le secteur de l'habillement au Cambodge sont déjà en cours. Le Centre mondial de l'OIT sur le salaire numérique pour un travail décent, qui s'appuiera sur les résultats de cette étude pour s'engager au Cambodge dans le courant de l'année, en est un exemple. Alors que le passage à la numérisation se poursuit au Cambodge, il existe des possibilités de collaboration entre les organisations pour faire progresser collectivement les paiements numériques et aller plus loin et plus vite.

Cette recherche a été menée par le projet HER de BSR et la SFI, dans le cadre du partenariat OIT/IFC Better Work, en étroite collaboration avec Better Factories Cambodia. La Walt Disney Company (BSR) et l'Union européenne (SFI dans le cadre du partenariat OIT/IFC Better Work) ont financé ce travail et Microfinance Opportunities a contribué au développement de cette recherche.

Auteurs

Leora Klapper, économiste en chef, Banque mondiale

Maria Soledad Requejo, responsable des opérations, Société financière internationale (SFI)

Christine Svarer, directrice du projet HER, Business for Social Responsibility (BSR)

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